16/07/2007

Habiter l’Internet solidaire

Il existe des liens physiques, vitaux et symboliques à la fois, entre l’Internet et la construction. Ce n’est certainement pas par hasard que des mots comme Architecture font partie du vocabulaire de base. Une vision commune de ce que l’on appelle improprement le virtuel et qui poserait les problèmes sans faire aucun lien avec les supports matériels sur lesquels repose le réseau, le bâti en étant l’un des éléments majeurs, ne pourrait que nous précipiter vers des fantasmes de liberté, ceux-là même qui nous sont fourgués en toute impunité par les publicités télévisées de LibertySurf, Wanadoo et consorts ; c’est un comble !

Si l’on veut bien considérer qu’une grande part de la matière première de l’Internet se tient dans les télécommunications, si l’on veut bien considérer que celles-ci sont étroitement liées à l’urbanisme et à l’habitat, il n’est dès lors pas étonnant d’assister à la rencontre de l’Internet solidaire avec les acteurs de l’éco-construction, courant marginal mais faisant sens qui a pu se développer et représente aujourd’hui plus de 2000 professionnels qui concourent à réaliser quelques milliers d’éco-constructions par an.

Lorsque l’anglais James Steven déployait il y a quelques années à Londres et à destination de ses voisins un réseau d’accès sans fil à l’Internet, lorsqu’il s’apprête aujourd’hui à étendre sa démarche à l’ensemble de la ville (voir l’article complet dans Wired), n’est-il pas dans un mode de réflexion et d’action tout à fait comparable à celui de l’éco-constructeur, éco-contructeur lui-même ?

Les implications écologiques, économiques et citoyennes de l’éco-construction vont dans le même sens que celles d’un Internet coproduit et cogéré par une société civile de plein exercice. C’est d’autant plus vrai que, depuis 30 ans, les freins au développement de l’éco-construction sont à chercher dans l’énorme pression de l’alliance des grandes institutions (EDF et Etat), des grands groupes (Corning, 3M, Lafarge, Pinault, Lapeyre, Bouygues, etc...), des publi-médias (et de leurs faiseurs d’opinion) et du conformisme petit bourgeois véhiculé à la fois dans les têtes (être proprio à tout prix d’une maison en parpaing dans un lotissement, sinon rien) et dans les pratiques des entreprises, artisans, bureaux d’étude et architectes. Ne s’agit-il pas exactement des mêmes ennemis que ceux auxquels est confronté l’Internet solidaire ? Mêmes ennemis, mêmes combats et, pour une grande part, des matériaux communs dès que l’on passe à l’examen des infrastructures réseau.

Les 25 et 26 mars 2001, l’association Pégase-Périgord, association de développement local implantée dans le nord Périgord dans le secteur de Jumilhac-le-Grand, organise au Château d’Oche « Les Journées » de l’Eco-construction. Membre actif de Vivre le Parc, qui regroupe une quarantaine d’associations du territoire du Parc naturel régional « Périgord Limousin » et de sa zone périphérique, c’est à la demande de Vivre le Parc et du PNR que Pégase-Périgord s’est vue confier l’organisation de cette manifestation.

Le Château d’Oche est un centre de vacances situé entre Jumilhac et La Coquille et géré par l’association CAP Périgord-Limousin, émanation de Pégase-Périgord et du Réseau des fermes d’animation éducative du Haut Périgord Limousin ; architecte bioclimaticien, spécialisé depuis 25 ans dans la CREEE (construction respectueuse de l’environnement et économe en énergie) cofondateur de Pégase-Périgord en 97, je suis responsable de la commission « Ecohabitat » créée récemment au sein de Vivre le Parc.

Voilà, le décor est posé

Il serait certainement très instructif que des acteurs de l’Internet solidaire participent à cette réflexion et apportent à cette rencontre un éclairage particulier sur la question des télécommunications et des réseaux. Ce sera possible sur place en mars 2001, c’est déjà possible ici dans la partie forum qui prolonge cet article et qui mérite d’être orientée sur le croisement des préoccupations des internautes en matière d’aménagement local, d’accès à des débits décents avec une même série d’objectifs :

- Favoriser l’organisation de l’offre (professionnelle) en se posant la question : « pourquoi l’architecture écologique comme celle des réseaux locaux de télécommunications avancées restent-t-elles aussi confidentielles en France, alors que l’éco-construction par exemple représente déjà une proportion importante de la construction - de 20 à 50% - en Suisse, en Allemagne ou au Canada ? »

- Faire connaître les principes, méthodes, matériaux, équipements et techniques au grand public,

- Etablir un contact fructueux entre professionnels et public, sur ces secteurs et, si possible, au niveau régional (puis national).

Pour conclure en quelques mots d’introduction au débat, voici ce qu’en disait Pascale Louedec ici-même il y a quelques jours :

L’internet est un peu notre espace de vie (sociale, mentale, intellectuelle, artistique, économique, etc...), un lieu qu’il nous faut aménager, construire, amener à se développer en tenant compte de son architecture exponentielle propre, mais également de son rapport avec le territoire physique, analogique, où chaque internaute se trouve, et qui est donc en contact avec le réseau. Les projets de développements économiques et sociaux, d’aménagements des territoires « réels » ou « virtuels » sont liés. Ils sont en interaction, ou doivent le devenir davantage, car dans les deux cas, la structure de l’un, son aménagement peut influer sur l’autre ; il me semble que l’internet que je hante (doublet étymologique du verbe habiter) fait partie de mon biotope, de l’écosystème dans lequel je me meus (éco au sens d’économique et d’écologie).

L’écologie et les réseaux sont liés ; l’économie et les réseaux sont liés ; car l’écologie des réesaux (l’aménagement de l’Internet dans sa structure et « son peuplement » ) déterminent un fonctionnement économique et social (au sens large du terme). Tout cela a donc partie liée dans une problématique semblable.

Si l’on veut bien prêter attention à ces questions, il y a ici quelques pistes pour que la Topographie imaginaire de l’Internet solidaire se transforme et prenne enfin corps dans des solidarités opérationnelles.

Claude Micmacher

LU ICI : UZINE

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