BERLIN (AFP) - L'Allemagne s'effraie des agressions racistes qui se multiplient avant la Coupe du monde de football, au point que certains recommandent aux visiteurs étrangers de ne pas se rendre dans certaines régions de l'ex-RDA.
Y aurait-il des "zones interdites" pour les noirs en Allemagne? Le Conseil pour les Africains, une fédération d'associations d'immigrés africains, veut publier dans les prochains jours une liste des quartiers, bistrots ou discothèques à Berlin et dans sa région, où les étrangers de couleur ne sont pas les bienvenus.
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Avec cette liste dite des "no-go areas", les associations veulent frapper un grand coup et dénoncer publiquement un fléau présent depuis la réunification dans les régions de l'ex-RDA.
Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, au moins 135 personnes ont été tuées pour des motifs racistes, selon la Fondation Amadeu-Antonio qui lutte au quotidien contre la xénophobie.
Trois millions et demi de personnes, dont un million d'étrangers, sont attendues à l'occasion du Mondial pour lequel l'Allemagne veut se présenter comme un pays tolérant et ouvert sur le monde.
Or un ancien porte-parole gouvernemental, Uwe-Karsten Heye, a déclenché une tempête médiatique en "conseillant" aux étrangers "de couleur de peau différente" de ne pas se rendre dans "certaines petites ou moyennes villes du Brandebourg (la région autour de Berlin, ndlr) ou d'ailleurs". Ils risqueraient, selon lui, de se faire agresser par des néonazis ou des skinheads et "de ne pas quitter cet endroit vivants".
De fait, la multiplication des agressions racistes depuis le début de l'année a relancé un débat qui semblait s'être apaisé depuis le meurtre en juin 2000 d'Alberto Adriano, un Mozambicain tué par des néonazis ivres dans un jardin public de Dessau (est).
L'affaire récente la plus grave a eu lieu à Potsdam, près de Berlin. En plein week-end de Pâques, un ingénieur allemand d'origine éthiopienne a été passé à tabac par deux inconnus qui l'ont notamment traité de "sale nègre". Frappé à coups de bouteille, Ermyas M., 37 ans, est resté plusieurs jours dans le coma.
A Berlin vendredi soir, un député régional d'origine turque, Giyasettin Sayan, a été agressé dans le quartier de Lichtenberg, connu pour abriter la communauté néonazie de la capitale.
Début janvier, un garçon de 12 ans d'origine éthiopienne avait été des heures durant brutalisé par des sympathisants d'extrême droite, près de Magdebourg (centre-est).
Ces faits divers interviennent dans un contexte de hausse du nombre de néonazis, de 3.800 en 2004 à 4.100 l'an dernier, selon l'Office de protection de la Constitution.
Les organisations d'extrême droite veulent d'ailleurs profiter de ce Mondial pour faire entendre leur voix et prévoient des défilés en marge de certaines rencontres.
Dans certains quartiers de l'ex-Berlin-Est, les immigrés de couleur refusent de circuler à pied la nuit ou de se promener avec leur famille.
Un député d'origine indienne, Sebastian Edathy, a affirmé que "jamais" il ne voyagerait avec les transports publics le soir dans les quartiers orientaux de la capitale.
La classe politique reste toutefois prudente, soucieuse de ne pas écorner l'image de l'Allemagne avant le Mondial.
Le ministre-président social-démocrate du Brandebourg, Matthias Platzeck, a toutefois osé admettre "un problème" de xénophobie dans sa région.
Mais, a-t-il souligné, durant longtemps les hommes politiques ont préféré ignorer la question du racisme.
"Nous avons connu une phase de minimisation et de refoulement du problème où nous nous sommes dits: 'Mon Dieu, cela va avoir un impact négatif sur la région et si nous le disons à voix haute, plus personne ne viendra'".