08/06/2007

Internet ne vous oubliera pas

DR Fred Cavazza

Avec le succès de l’internet et de sa vague 2.0, l’internaute est de plus en plus sollicité. A acheter, à donner son point de vue, à voter, à ouvrir son propre espace personnel. Il peut ainsi ouvrir son blog, publier ses photos sur Flickr, ses vidéos sur Dailymotion, ses liens sur del.icio.us, vendre ses timbres sur eBay, voter pour des livres sur Amazon, avoir un mail sur Gmail… L’orientation de cet internet-là d’allure conviviale et philantropique (toujours plus d’espaces d’expression et toujours plus de partage) vise le bien-être de l’utilisateur. Au passage, ses données personnelles sont attrapées, stockées (parfois pendant des dizaines d’années par les moteurs, voir article) par cette myriade de sociétés web. Du coup, par ricochet, le concept d’identité numérique —quels éléments de mon identité je laisse dans mon sillage virtuel—, revient de plus belle. « C’est la problématique des prochaines années », estime Fred Cavazza, consultant internet à Paris. Il existe tellement de services aujourd’hui, qu’il est possible de laisser des traces partout. » Des traces dont on ne sait pas à quoi elles vont servir demain et qui pourraient, à terme, être monnayées. « Les impératifs de profitabilité ou d’ergonomie éclipsent bien souvent celui de sécurité, au grand bonheur des pirates et des fraudeurs informatiques », constate ainsi Benoît Dupont, de la chaire de sécurité, identité et technologie. (voir interview)

La multiplication de ces services qui racole l’internaute a donné l’idée à Fred Cavazza de modéliser cette identité numérique. Il la représente sous la forme d’un puzzle de différentes facettes, qui va de l’expression à la consommation en passant par la connaissance et les avatars. « Gérer son identité numérique veut dire surveiller l’utilisation de chacune de ces bribes d’information », estime-t-il. Car cet émiettement apparaît incontrôlable, et les données semées ça et là peuvent rester des années voire être utilisées commercialement. Rien de très généreux. C’est ce que Karl Dubost, qui travaille au W3C, qualifie d’esclavage 2.0. En mars, ce photographe amateur à ses heures perdues a décidé de fermer son compte sur Flickr, le service de partage de photos. « Toutes les entreprises du Web 2.0 sont là pour faire du commerce, pour exploiter vos données personnelles afin de les faire fructifier, parfois même en vous faisant payer. (…) Utiliser les concepts de liberté, de créativité, de beaux sentiments, de communautés pour mieux vous abuser, pour mieux pomper tout ce qui fait de vous un consommateur bien identifié est une arnaque. » La critique vise l’utilisation des données personnelles de façon silencieuse, sans le signifier clairement à l’internaute. « Ce que dit Karl Dubost, c’est que la gratuité ne peut pas se faire à n’importe quel prix », résume Jean-Marc Manach, journaliste à Internet Actu. Ce spécialiste de sécurité informatique et de guerre de l’information met en garde sur la destinée de ces sociétés gourmandes :« Le modèle économique de toutes ces sociétés est encore incertain. Que vont-ils faire des données personnelles si elles ne sont pas recapitalisées ? Vendre leurs bases de données aux enchères ? »

Du coup, peut-être faut-il réfléchir avant de se mettre en avant sur le web. « J’utilise toujours le même identifiant et je fais attention à ce que je dis », explique Fred Cavazza, qui conseille de verrouiller son identité professionnelle et de prendre un pseudo pour baptiser son double virtuel sur Myspace, afin de bien cloisonner les deux. Qui sait comment, dans cinq ans, seront interprétées les phrases déposées aujourd’hui dans le feu de l’action sur un forum, les états d’âme lâchés sur son skyblog ou les photos de fête mises en ligne à destination des proches… « Il est de plus en plus courant de googler une personne pour connaître son parcours, ses idées, ses loisirs, sa personnalité... que ce soit un futur collaborateur, partenaire, fournisseur, client..., remarque Sylvain Briant, directeur d’une agence de blog d’entreprise. Il est donc très important (dans une carrière) d’être visible sur Internet et de contrôler son image, les informations qui circulent... »

La nouvelle génération de sites pousse les internautes à échanger, dialoguer, publier en toute convivialité. Attention au contrôle d’identité.

Pour éviter que des recherches futures atterrissent sur des pans de passé qu’on l’on préfèrerait oublié, il vaut mieux préméditer le profil de soi-même qu’on souhaite voir exploiter (ou recourir à des nettoyeurs de réputation, voir article). Avec le web 2.0, on a maintenant le concept d’identité 2.0, où l’individu est l’émetteur de sa propre identité. Ainsi d’OpenID, un mécanisme d’authentification : l’utilisateur crée un compte sur le site MyOpenID, avec les spécifications qu’il souhaite et il lui est ensuite attribué une URL qui lui servira d’unique référent. L’identité d’une personne devient une URL. « Pourquoi même ne pas mettre sur un blog ce que vous souhaitez donner comme identifications personnelles, propose Tariq Krim, de Netvibes. Le service auquel vous vous abonnez va ensuite aller chercher les informations que vous avez décidé d’y mettre. » Fini alors le morcellement de soi dans le labyrinthe du net.

par Frédérique Roussel

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